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Lettre à l'argent

Cher argent,


Je t’ai longtemps pensé sale. J'avoue, j’avais pour toi un dégoût viscéral. Bouc-émissaire fétiche, je t’ai fait porter la responsabilité de tant de maux de notre monde : des pouvoirs corrompus aux guerres esclavagistes, jusqu’à la destruction des rêves et des désirs d’enfance. Et je te méprisais tout en t’utilisant, et je te rabaissais en te tenant en joug. J'ai si souvent rêvé de cette société du futur, dans laquelle tu aurais été éradiqué comme on a combattu la peste…


Mais toute cette colère me semble aujourd’hui un feu bien destructeur. C’était une colère vide, et même pas défensive : juste bonne à refléter ma peur, à attiser la haine, car tu ne m’as jamais, toi, fait le moindre mal.

Alors je ne veux plus te haïr, tout comme je ne veux pas te craindre ou m’asservir à toi. Mais simplement t’aimer, comme j’aime toute autre chose de ce monde : pour ce que tu es, et ce que tu m’apportes, lorsque nous nous côtoyons, et que nos relations sont douces et apaisées.


Et en te respectant à nouveau, je redécouvre ta nature profonde. Tu es, argent, le plus lisse des miroirs. Et tu reflètes nos peurs les plus profondes, comme nos fantasmes les plus délirants. Mais à jamais neutre face à nos regards, tu restes une simple et sobre monnaie d’échange. Grand incompris, tu voudrais d’une existence faite de voyages, de mouvements, toujours en déplacement, tu voudrais que la circulation soit plus fluide pour profiter enfin du paysage, faire de nouvelles rencontres, mais sans t'attacher jamais et toujours prêt à repartir...


À partir d'aujourd'hui, mon nouvel ami, je suis de ton côté. Et sans plus te renier je prendrai ta défense pour que tu puisses à nouveau circuler librement, et partout, en reflétant mon amour !


Bien à toi,

Ma Non Précaire, ni Avare

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